Livret du disque vinyle “Lili Batillat, Musique en Charollais” 1985

Lili, Louis Batillat est né le 3 décembre 1911 à Marcilly-la-Gueurce près de Charolles.
Ses parents, tout en tenant un café-épicerie-tabac, élevaient quelques vaches. Après la Grande Guerre, concurrencés par les tournées d’autres épiciers, ils ne s’occuperont plus que du café.
Sa mère, bonne chanteuse, fredonnait souvent des airs traditionnels.
Ainsi, dès son plus jeune âge, Lili reçoit une influence décisive dans sa vie de musicien. A l’occasion, il n’hésite pas à chanter pour son plaisir et celui de son entourage.
Vers 10 ans, Lili s’initie à la musique grâce à l’harmonica qu’il abandonne bien vite pour un instrument plus sonore à son goût : l’accordéon diatonique.
Ses parent lui achètent un 2 rangs qu’une personne de son village avait rapporté d’occupation en Allemagne.
Dès l’âge de 12 ans, Lili joue dans le café familiale, où sa mère est la première à danser avec le maire du village.
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Bien que Lili joue d’oreille, son père veut absolument qu’il apprenne le solfège. A 14 ans, il lui achète une clarinette et l’inscrit à Charolles chez le sous-chef de musique de l’époque : M. Dauvergne. Mais Lili n’assistera que deux ou trois fois aux cours. « Il m’énervait avec ses noires, ses croches et ses papiers, j’ai pas besoin de tout ça ! »
Pour lui, sans doute, apprendre la musique est une perte de temps, car en quelques semaines, il sait déjà tirer des airs de sa clarinette.
De ce fait, l’accordéon et la clarinette deviennent ses deux instruments de routinier.
Sa préférence ira à l’accordéon et il délaissera peu à peu la clarinette. « Je préfère l’accordéon, c’est bien moins pénible pour mener des noces pu des conscrits ! »
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« Ce que j’ai fait le plus souvent, c’est les noces et les conscrits. A 12 ans, je m’nais les conscrits toute une semaine…Et puis au printemps, j’courrais les œufs, et en hivers j’animais les piqueries… Il y avait aussi dans le moment beaucoup de banquets de combattants. Mon secteur, c’était Massy, Vaudebarrier et Dyo » (environ5 km alentours)
Lili a même essayé de jouer de vielle mais il renonce, découragé par le réglage : « la vielle, c’est un instrument toujours désossé. C’est un fourbi d’y accorder ! »
Bientôt, l’acquisition d’un instrument plus puissant se fait ressentir. A 16 ans, avec quelques sous gagnés « à faire de la musique » Lili achète un accordéon 3 rangées Maugein Frères à Tulles en Corrèze. « j’l’ai commandé par écrit et j’l’ai reçu par la gare de Tsarolles »
Sa réputation l’amène à jouer pour les banquets, les conscrits, les noces et les petits bals improvisés alentour.
Durant l’hiver, des piqueries lui donnaient l’occasion d’animer des veillées. Une quinzaine de jeunes filles se réunissaient autour d’une couturière pour confectionner une couverture piquée. La piquerie durait toute une journée. Après le souper, les garçons arrivaient pour faire danser les filles. « De c’tes piqueries, j’en ai fait énormément à Mans, car il y avait deux bistrots et il fallait de la place pour la couverture et en plus, il y avait une couturière ; c’était indispensable. »
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Lili fait son service militaire en 1932 dans les 152e d’infanterie à Colmar. Après un stage de trois semaine pour apprendre à monter à cheval, il est nommé cycliste du colonel. Possesseur d’un laissez-passer, il en profite pour aller danser. Il rencontre des musiciens mais « Ce sont tous des chromatiques ! »
En 1936, Lili est sollicité par Joanny Furtin pour faire parti du groupe folklorique « Les Gâs de Tsarollais ». En effet, une année auparavant, un niçois fonctionnaire à Charolles demande à Joanny Furtin de réunir une troupe de danseurs pour représenter le Charollais au festival folklorique de Nice. Accompagné par le vielleux traditionnel Pierre Frisé, ils concourent avec deux danses : la polka piquée et la bourrée. Ils remportent le 1er prix de danses et le 1er prix de costumes.
Motivé par ce succès, Joanny Furtin fonde le groupe « les Gâs du Tsarollais . « Au début, j’ai joué avec le Pierre Frisé, puis sont arrivés deux clarinettistes : les frères Févres, alors plus question de jouer, on n’était pas dans la même tonalité… Il y a eu aussi un dénommé Gerbe et un Mugnier, ils jouaient des ch’tites clarinettes. C’est Beaufils qui avait écrit la musique d’après les airs que j’avais apportés avec le Pierre Frisé »
Lili se marie en 1941 et s’installe dans la maison qu’il habite toujours à Marcilly-la-Gueurce.
En 1947, sa femme reprend l’affaire familiale
En 1951, ils partent s’établir à Paray-le-Monial au café « La Ferme » près de la gare.
« J’ai toujours été maçon, depuis l’âge de 15 ans, mais ça ne m’empêchait pas de jouer de la musique au café. » Et il ne se faisait pas prier quand les cheminot lui demandait un petit air…
Quittant le café en 1960, pour des raisons familiales, Lili perd l’occasion de jouer au gré de la fantaisie d’un public improvisé. De plus son accordéon devient inutilisable. Par ailleurs, à cette époque, les musiciens traditionnels sont fortement concurrencés par les bals musettes plus à la mode. Cependant, Lili reste en contact étroit avec la musique qu’il aime par l’intermédiaire du groupe folklorique comme danseur.

En 1973, ses enfants lui offrent pour Noël un Hohner deux rangs Sol-Do, et il retrouve la possibilité de jouer après treize ans d’interruption. « Mes enfants voulaient que je rejoue comme avant dans les réunions de famille »
dès lors, Lili reçoit de nombreuses personnes intéressées par sa musique. Parmi elles des musiciens du groupe folk « le Grand Rouge » (NB :mais également Pierre Bonte pour la radio).
En 1980, Lili décide de s’acheter un nouvel accordéon Hohner trois rangées. « C’est toujours pareil, j’ai acheté celui-là car l’autre était pas assez gros, il y avait pas assez d’air dans le soufflet »
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Lili joue de plus en plus, en actuellement (NB ;en 1985) c’est avec cet instrument qu’il anime de nombreuses soirées dans la région : rencontres du 3e âge, banquets, sorties folkloriques, participation à des bals folks, réunions de musiciens traditionnels, stages musicaux…)
Le répertoire de bal des années 1920-1930 se composait essentiellement de polka, valse, scottish et mazurka. En fin de bal on pouvait danser la polka piquée, le branle au vent, la badoise, la gigue et la bourrée ; cette dernière étant dansée uniquement par les pus anciens.
A cette époque les danses était payantes. Il fallait donner cinq sous la danse. Les bons danseurs pouvaient s’abonner à la soirée.
La plupart des musiciens de bals avaient reçu une formation musicale à l’armée ou dans une fanfare locale. Ils se regroupaient en orchestres, souvent familiaux, composés de clarinettes, accordéons chromatiques, pistons… Leur répertoire se composait d’airs de danses à la mode tels que Sous les ponts de Paris, la valse brune… et plus rarement d’airs de danses traditionnelles/ Lili se souvient que Pierre Frisé (vielle et piston) et Émile Gueugnon (clarinette), deux musiciens routiniers célèbres de l’époque, montaient un bal le 10 août pour le fête de Marcilly-la-Gueurce. Il s’agit d’une exception, le musicien routinier, plutôt indépendant, avait des occasions de jouer lors des noces, des conscrits, des veillées, comme le faisait Lili, et laissait aux orchestres le soin d’animer les bals
NB : ce texte a été rédigé en 1985 et mérite quelques corrections :
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Sur les premières photos du groupe folklorique on ne voit pas Lili jouer avec Pierre Frisé, mais on voit dans ces premières années des vielleux locaux jouer pour le groupe : Pierre Frisé, François Cretenet, Jean Gueugnon, Georges Coiffard, ….)
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Pierre Frisé, l’archétype du ménétrier charollais, ne jouait pas uniquement de routine mais était lecteur et écrivait la musique.
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Ce que nous dit Lili sur le répertoire et de l’orchestre de bal des années 20/30 semble réductif.
Commentaires des photos:
1- Première noce de Lili: Melle Nugues et Mr Bernigaud (1926). Il prenait le cortège chez la mariée et le conduisait à la mairie, à l’église et dans la tournée des bistrots. Le soir après le repas, il animait le bal.
2- Ce que j’ai fait le plus souvent c’est les noces et les conscrits. à 12 ans je m’nais les conscrits toute une semaine… Et puis au printemps, j’courrais les œufs, et en hivers j’animais les piqueries… Il y avait aussi dans le moment beaucoup de banquets de combattants. Mon secteur, c’était Massy, Vaudebarrier et Dyo » (environ 5 kms alentours)
3-Lili fait son service militaire en 1932 dans le 152e d’infanterie à Colmar. Après un stage de 3 semaines pour apprendre à monter à cheval, il est nommé cycliste du colonel. Possesseur d’un laisser-passer, il en profite pour aller danser au bal. Il fait quelques rencontres de musiciens mais « ce sont tous des chromatiques »
4- Lili a eu 4 enfants. Michele, une de ses filles, apprend le violon à l’âge de 6 ans. Adolescente, elle joue de la vielle avec Mr Pompanon, vielleux traditionnel de St Léger-les-Paray.
4 avril 2021
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